« Martine fait ses courses zéro déchet »

Qu’on soit engagé dans une démarche végétarienne, vegan, zéro déchet, minimaliste, locavore, ou dans n’importe quel mouvement alternatif, on a tous au moins une fois suscité l’incompréhension ou l’incrédulité chez notre interlocuteur. L’occasion d’entendre cette réflexion ô combien agréable : « Mais pourquoi tu t’embêtes pour si peu ? ». Sous-entendu : pourquoi tu t’échines à faire tant d’efforts qui rendent ton quotidien pénible, alors que le résultat est insignifiant ?

Au-delà du fait qu’on n’a souvent pas demandé l’avis d’autrui sur la question (je ne blâme personne, il m’arrive aussi de porter des jugements et de donner mon avis…), ce genre de réflexions n’est en fait que la projection de ce que cette personne s’imagine qu’elle ressentirait à notre place. C’est donc forcément faux, puisque par définition, cette personne n’est pas nous. Ce qui lui paraît pénible ne l’est en fait pas pour nous, et inversement… Et puis, entre s’imaginer quelque chose et vivre la situation « en vrai », il y a souvent un écart. Mais, passons.
Il n’y a rien de très original dans ce comportement, on fait ça tout le temps. On se projette et on ne comprend pas pourquoi untel fait ceci ou cela : « A ta place, je ne pourrais pas… », « Si j’étais toi, je ferais plutôt ci ou ça ». Oui, mais voilà le problème : il n’y a que moi qui sois à ma place, et il n’y a donc que moi qui puisse décider de ce que je veux faire ou non ! Et toc !
On en revient toujours à la même question : on peut bien penser ce qu’on veut (encore heureux), mais est-ce bien nécessaire de toujours l’exprimer verbalement ? Ne vaudrait-il pas mieux se dire parfois qu’on n’est pas notre interlocuteur, qu’on n’a ni son vécu, ni ses sentiments, et que donc, il est bien normal qu’on ne pense pas de la même façon ? Et tourner sa langue 7 fois dans sa bouche ?

L’autre point qui me chiffonne, c’est celui du résultat supposé insignifiant de nos prétendus efforts (surhumains). Si tant est qu’une étude suffisamment complexe puisse mesurer l’impact d’un de ces modes de vie alternatifs sur l’environnement, la santé, la société, et l’économie, comment prendre en compte des facteurs comme la création de nouvelles interactions sociales entre les habitants d’un territoire, l’augmentation de la confiance en soi liée au fait d’apprendre à faire soi-même, ou encore le bien-être ressenti à vivre plus simplement ?
Il y a des effets qui ne se mesurent pas facilement ou qu’on ne peut traduire en termes d’émissions de CO2, et pourtant, on ne peut nier leur existence.

Enfin, j’ai un petit scoop : être dans une démarche en accord avec ses convictions peut rendre heureux, et même procurer du plaisir ! Et oui ma bonne dame ! Par exemple, je préfère mille fois aller chercher mon panier à l’AMAP, faire quelques courses au marché ou en magasin bio, plutôt qu’aller au supermarché. Peut-être que ma façon de faire les courses semble être une corvée pour certain·e·s, qui trouvent plus pratique de passer une commande sur internet et d’aller chercher ses courses au drive en rentrant du travail. Mais ce n’est pas mon cas, voilà tout. Et je ne jette pas la pierre à ces personnes !
De manière générale, j’aime bien réfléchir à trouver des alternatives, à voir comment je pourrais optimiser ci ou ça… Ces idées me viennent souvent spontanément, sans que j’aie à faire l’effort de me creuser les méninges. Mais je comprends que ce ne soit pas le cas de tout le monde, et tant mieux ! Chacun son truc !
En disant cela, j’espère ne pas paraître moralisatrice. J’ai parfois l’impression qu’on peut vite se sentir blessé ou agacé, surtout sur internet, face à quelqu’un dont le mode de vie diffère ou paraît trop « parfait ». Comme s’il s’agissait d’une attaque personnelle, qu’on nous disait qu’on ne fait pas comme il faut, qu’on nous faisait la leçon, ou qu’on mettait le doigt sur tous nos défauts. Ce qui semble être de la perfection agace, mais ne vous méprenez pas, personne n’est parfait ! Et bien souvent, le but n’est pas de faire étalage de ses prouesses, mais plutôt de partager son expérience et peut-être de donner des idées à d’autres.

Bref, j’aimerais qu’on nous laisse tranquilles avec nos rêves, idéalistes ou non. Mieux encore, et si on enlevait nos œillères et qu’on découvrait plein de modes de vie dont on n’a pas encore connaissance ? Libre à nous d’adopter de nouvelles habitudes ou non, mais ces découvertes pourront ouvrir nos horizons et nourrir nos propres réflexions ;)

6 Comments

  1. Effectivement autour de moi les gens engagés dans ces démarches y trouvent plutôt un épanouissement, un sens. En fait, c’est ne pas se comporter de manière cohérente avec leurs valeurs qui les mettraient mal à l’aise ! Donc ça aurait peu de sens de reprocher à quelqu’un de s’embêter pour si peu : ça l’embêterait bien davantage de ne pas faire d’effort… Ca s’appelle la conscience en fait aha :D

    • Je trouve que tu exprimes la chose bien mieux que moi Irène :) Merci beaucoup pour ton avis éclairé !

  2. Bonjour Amandine,
    J’aime bien ton article. Connais-tu l’histoire du colibri qui transporté de l’eau dans son bec pour essayer d’éteindre un incendie géant ? Les autres animaux lui demandent pourquoi il fait ça car ça ne sert à rien. Le colibri répond qu’il fait sa part des choses, sous entendu que si tout le monde s’y mettait, ils pourraient tous éteindre l’incendie. Et bien, tu es certainement un colibri parmi d’autres !
    Je partage ton avis sur le mode de consommation dont tu parles régulièrement, que j’adopte aussi. J’ai redécouvert le plaisir d’aller faire mes courses dans les petits magasins de producteurs, je mets rarement les pieds dans une grande surface. Plus besoin de pousser un caddie plein à craquer, j’achète un peu toutes les semaines. De plus, aller au magasin en vrac dans ma ville est devenu aussi un jeu, le centre ville est très agréable, donc je profite d’une petite balade en allant au magasin et quand j’y vais avec ma fille de 5 ans, elle s’amuse à remplir mes pots comme si elle jouait à la marchande.
    Je ne sais pas toi, mais de mon côté, je remarque que de plus en plus de personnes se mettent à consommer de cette manière, il y a pas mal d’associations qui se montent aussi. Ça arrive dans les habitudes petit à petit :-) !!

    • Oui c’est vrai qu’il y a de plus en plus de personnes qui réfléchissent à leur mode de consommation et de structures qui promeuvent des alternatives ! Mais parfois, je suis un peu découragée quand j’entends ce genre de réflexions de manière répétée… Je me dis alors qu’on reste une minorité ;) Tu as raison toutefois, les choses bougent et dans les moments de doute, je devrais me tourner vers le positif !

    • Oh merci Talia, c’est gentil :) A très vite et merci pour tes mots qui me font toujours plaisir !

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